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Turc

La langue turque Arif Yildiz et Malcom Nzali L'histoire de la langue turque à travers les siècles, est marquée par des transformations linguistiques influencées par les diverses cultures et civilisations avec lesquelles les Turcs ont interagi. De ses racines anciennes aux réformes modernes, la langue turque évolue avec une identité culturelle riche et dynamique. Cet exposé montre les différentes périodes de l'histoire de la langue turque, les alphabets utilisés, ses caractéristiques linguistiques, et les supports qui sont utilisés.

I. L’histoire de la langue

La langue turque a connu de nombreux changements au cours des siècles, influencée par les cultures et les religions voisines. Cette évolution permet de comprendre comment le turc est devenu la langue que l'on connaît aujourd'hui.
1. Le Turc ancien Les premières traces écrites de la langue turque datent du VIIIe siècle, dans la région de l'Orkhon, en Mongolie actuelle. Ce sont des inscriptions gravées sur des pierres, écrites avec un alphabet runique ancien. Ces inscriptions commémorent les premiers khans turcs et montrent que les tribus turques de l’époque parlaient un ancien turc, qui partage des racines avec les autres langues turciques. À cette époque, la langue turque se développe dans un monde nomade, avec des échanges réguliers avec d’autres peuples.
2. Le Turc moyen À partir du XIe siècle, les Turcs seldjoukides, installés en Perse et au Moyen-Orient, adoptent l’islam et sont influencés par les cultures persane et arabe. Durant cette période, la langue turque s'enrichit de nombreux mots persans et arabes, particulièrement dans les domaines de la poésie, de la religion et de la science. Les élites et la cour seldjoukide utilisent principalement le persan et l’arabe, alors que le turc reste la langue quotidienne du peuple. Ces nouveaux emprunts préparent le terrain du turc ottoman.
3. Le Turc ottoman Sous l'Empire ottoman (XIVe - XIXe siècles), le turc se transforme de manière significative. Le turc ottoman devient la langue officielle et administrative de l’empire. Il est écrit en alphabet arabe. Deux versions de la langue coexistent alors :
-le turc populaire, parlé par la majorité des gens au quotidien ;
-le turc ottoman, utilisé dans les documents officiels et littéraires, réservé aux élites et plus riche en vocabulaire.
4. Le Turc moderne En 1923, la République de Turquie est fondée par Mustafa Kemal Atatürk, qui entreprend des réformes pour moderniser le pays, dont une transformation de la langue. En 1928, il remplace l'alphabet arabe par l'alphabet latin pour rompre avec le passé ottoman et rendre le turc plus facile et plus proche des langues occidentales. Atatürk crée également l’Association de la langue turque (Türk Dil Kurumu) pour "nettoyer" la langue des nombreux emprunts arabes et persans. On remplace alors ces mots par des termes d’origine turcique, et de nouveaux mots sont créés en puisant dans les racines turques.

II. Les alphabets utilisés

1. L’alphabet runique L’alphabet runique est un alphabet qui est utilisé pour l'écriture de langues proto-germaniques par des peuples parlant ces langues, mais les Huns également. Les Huns sont des Turcs originaires d’Asie centrale. L’Empire hun sous le règne d'Attila entre 436-453 parvint à devenir la superpuissance de l’Europe vainqueur de l’empire romain d’Occident et de l’empire romain d’Orient. Les interactions avec différents peuples d’Europe ont poussé l’adoption de cet alphabet.
2. L’alphabet göktürk ( de gök=ciel, türk=turc, les Turcs du ciel). Cet alphabet a été officialisé par les Göktürks entre les années 552 et 744 durant le IIème khaganat göktürk (khaganat = empire, exemple Gengis Khan). L’alphabet est aussi appelé l’alphabet d’Orkhon à cause des ces inscriptions réalisées par Orkhon Khan racontant l’histoire de ses ancêtres.
3. L’alphabet cyrillique L'alphabet cyrillique est utilisé dans l'écriture des langues slaves (russe, bulgare…). Cet alphabet est adopté par certains pays turcs aujourd’hui, comme le Kazakhstan, l'Azerbaïdjan et l’Ouzbékistan.
4. L’alphabet arabe La situation linguistique des Turcs a commencé à changer à partir du Xe siècle, avec leur conversion à l’islam, en particulier sous les Seldjoukides, un empire turc qui a régné sur une grande partie du Moyen-Orient avant l’arrivé des Ottomans. Cet alphabet est également adopté par les Ottomans à partir du XIVe siècle. L’Empire Ottoman est un État cosmopolite (variété de peuples et de cultures) ce qui a poussé à adopter cet alphabet pour diffuser l’islam aux peuples européens sous leur domination. Les interactions entre les Turcs et les Arabes pendant l’Empire Ottoman ont ajouté de nombreux mots dans la langue turque.
5. L’alphabet latin En 1928, la Turquie a adopté l'alphabet latin avec les réformes de Mustafa Kemal Atatürk. Avant cette réforme, la langue turque s’écrivait en alphabet arabe, mal adapté aux sons du turc et rendant difficile l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Atatürk voyait dans l'alphabet latin une opportunité pour rapprocher la Turquie de l’Occident. Le gouvernement a donc mis en place un alphabet latin modifié et a lancé des programmes éducatifs pour enseigner ce nouvel alphabet.

III. Description de la langue turque

Le turc (Türkçe) appartient au groupe oghouz de la famille altaïque et présente des caractéristiques propres à cette famille linguistique. Il est de nature agglutinante, c’est-à-dire qu'il ajoute des suffixes pour décliner les noms et conjuguer les verbes de manière régulière. Il possède une harmonie vocalique, où les voyelles se suivent selon un ordre précis, et n’utilise pas de genre grammatical (pas de masculin, féminin, ni neutre). L'ordre des mots est généralement sujet-objet-verbe (SOV), bien que des variations existent en poésie et dans le langage quotidien. Dans la langue turque, toutes les lettres sont prononcées. En règle générale, les lettres se succèdent en suivant le rythme d’une voyelle, une consonne. Mais souvent, on peut trouver des voyelles côte à côte dans les mots d’origine étrangère, la plupart empruntés à l’arabe : saat (l’heure, la montre), zanaat (artisanat), etc.

IV. Les supports utilisés

1. Le parchemin En Asie centrale durant les khaganats huns et göktürk, les Turcs étaient des peuples nomades, ils avaient en leur possession des troupeaux d’animaux et utilisaient le cuir pour faire du parchemin car il était léger, résistant et facile à transporter, adapté à leur mode de vie itinérant. Les documents en parchemin pouvaient être roulés et protégés, ce qui permettait de conserver les informations importantes tout en se déplaçant. De plus, le parchemin n’a pas besoin d’installations complexes pour sa production, ce qui le rend accessible et pratique pour ces peuples en mouvement constant.
2. Les tapis Les tapis ont toujours été essentiels dans la culture turque. Ils sont pratiques et faciles à transporter, ils servaient de sol, de mur et de décoration dans les tentes. Au-delà de leur utilité, ils portaient des motifs racontant des histoires, symbolisant des croyances et marquant l’identité de chaque tribu. Avec l’arrivée de l’islam, les tapis de prière (seccade) sont devenus importants, offrant aux pratiquants un espace sacré où qu’ils soient. Les tapis turcs, très appréciés pour leur qualité, étaient aussi un produit d’échange précieux. Cette culture existe encore aujourd’hui en Turquie.
3. Le papier Au Moyen Âge, durant l'islamisation des Turcs et durant l’Empire seldjoukide, le papier est adopté car ce matériau, introduit depuis la Chine à travers le monde musulman, était plus facile à produire en grande quantité, moins coûteux que le parchemin, et adapté à la diffusion des textes religieux, scientifiques et administratifs. Le papier a permis aux Turcs islamisés de copier et de partager plus largement les textes coraniques, les connaissances en sciences, en littérature et en philosophie, ce qui leur a permis de s’intégrer dans la culture et le savoir islamique. Ainsi, la langue turque, à travers ses évolutions et influences, illustre l'histoire d'un peuple en interaction avec son environnement culturel et géopolitique. Des anciennes inscriptions de l'Orkhon à la réforme linguistique d'Atatürk, le turc a vécu des siècles de changements, adoptant différents alphabets et intégrant des influences diverses. Aujourd'hui, le turc moderne est à la fois un héritage du passé et un symbole d'identité nationale, montrant l’unicité et la richesse culturelle des peuples turcs.

Sources :
Inalco, le Turc, langue d’Eurasie, dossier langues turciques, consulté le 10/01/2025