CRÉOLE guadeloupéen
La Guadeloupe, dans les Caraïbes est un territoire marqué par une histoire complexe incluant la colonisation et l’esclavage. De ce mélange de cultures est née une langue unique : le créole guadeloupéen. Utilisé à l’origine par les esclaves africains comme moyen de communication nous allons dans un premier temps découvrir ce qu’est le créole ensuite comment le créole guadeloupéen reflète l’histoire et la culture de la Guadeloupe et enfin comment il évolue face à la mondialisation et aux influences extérieures. Au XVIIe siècle, la colonisation amène en Guadeloupe des populations de colons européens, principalement Français, et des esclaves africains. Ces populations qui n'ont pas de langues communes, développent une forme de communication simplifiée, mélangeant le français et divers dialectes africains, appelée pidgin. Cela donne naissance au créole guadeloupéen faisant partie des "créoles atlantiques". C'est une langue issue des contacts entre les peuples africains, européens et parfois indiens. Cette langue est le reflet de l'histoire de ceux qui le parlent et l'ecrivent, descendant des esclaves des Antilles françaises. Cette colonisation donne plusieurs groupes linguistiques hétérogènes, d'un coté les Européens esentiellement Français, de l'autre des Africains. A côté de ces deux groupes, pendant une période très brève il y avait aussi les Karibs, cependant ils furent rapidement exterminés par les Français. Il est formé autour du français du XVIIIe siecle ainsi que plusieurs langues d'Afrique de l'Ouest. Mais l'incessant jeu de conquêtes et de pertes de territoires entre Portugais, Anglais et Néerlandais l'a influencé. Avec le temps, ce pidgin s’est complexifié et est devenu une langue créole, un système linguistique complet et stable, adapté à la vie quotidienne des esclaves et des populations locales. Elle a longtemps évolué uniquement à l'oral et les premiers écrits en créole ne remontent qu’aux années 1840. Et ce n’est qu'au XIXe siecle que la communauté africaine de Guadeloupe a adopté le créole comme première langue.
I. La grammaire :
Premièrement, l’alphabet créole ne comprend que 24 lettres le "x" et le "q" ne sont pas présents.
L'utilisation du z est plus fréquente, le créole est une langue tonale dont l'intonation joue un rôle important, et le "r" ce prononce comme le "r" anglais.
La grammaire créole guadeloupéenne est plus simple que celle du français, avec des règles syntaxiques propres qui facilitent la construction des phrases.
En créole, les pronoms personnels sont plus simples et constants :
. Mwen : je / moi
. MOu : tu / toi
. MLi : il, elle / lui
. MNou : nous / on
. MZot : vous
. MYo : ils, elles
Les verbes en créole guadeloupéen ne se conjuguent pas en fonction du temps, comme en français.
Les marqueurs temporels placés avant le verbe indiquent le moment de l’action :
Présent : On utilise souvent le marqueur "ka" pour indiquer une action en cours. Par exemple, Mwen ka manjé signifie "Je mange" (je suis en train de manger).
Passé : Le marqueur "té" est placé avant le verbe pour le passé. Par exemple, Mwen té ka manjé signifie "Je mangeais" ou "J'ai mangé".
Futur : Le marqueur "ké" indique une action future.
Par exemple, Mwen ké manjé signifie "Je mangerai".
La négation se forme généralement en plaçant "pa" avant le verbe. Par exemple :
Mwen pa ka manjé : Je ne mange pas.
Nou pa té ka travay : Nous ne travaillons pas.
Contrairement au français, les articles sont souvent placés après le nom:
On signifie "un(e)" et la ou a signifie "le/la". Par exemple, on liv la signifie "le livre" ou "un livre". Kaz an mwen ( ma maison) Kaz a ou (ta maison)
Le créole guadeloupéen suit souvent une structure Sujet-Verbe-Objet, comme en français, mais la construction des phrases est généralement plus directe et dépourvue de tournures complexes.
Par exemple, "Je vais te le dire" devient "Mwen ké di’w sa" (littéralement, "Moi [je] vais dire à toi ça").
II. Vocabulaire du créole guadeloupéen :
Le vocabulaire du créole guadeloupéen est principalement d'origine française, mais il a évolué avec des influences africaines, amérindiennes, anglaises et parfois espagnoles, créant ainsi un lexique unique.
De nombreux mots sont issus du français mais ont évolué phonétiquement. Par exemple :
"Maché" pour "marcher", "palé", "padon", "lajan" pour argent "Pann" pour "tomber en panne", "Bwa" pour "bois".
Les sons et la prononciation sont souvent simplifiés, rendant le créole distinct mais compréhensible pour un locuteur francophone.
Quelques mots viennent des langues africaines ou des dialectes amérindiens arawak. Par exemple : "Zanmi" pour "ami" (influence africaine), "bokit", "gwoka", "Manman" pour "mère" (également d’origine africaine). Zwézo pour oiseau
Ces emprunts enrichissent le vocabulaire créole en apportant des nuances culturelles.
Le créole guadeloupéen regorge d'expressions imagées, souvent intraduisibles directement en français, car elles reflètent une réalité culturelle spécifique.
Par exemple : "Sé di janmen pa di jamé" signifie "Il ne faut jamais dire jamais".
Ces expressions sont fréquemment utilisées dans le quotidien et contribuent à la richesse et à la vivacité de la langue.
Apwé bèf la sé ou qui se traduit par après le bœuf c'est toi pour tout simplement souhaiter un joyeux anniversaire.
III. Bases et spécificités linguistiques du créole guadeloupéen :
Le créole guadeloupéen est une langue tonale : l'intonation joue un rôle important dans l'expression du sens. Par exemple, une phrase peut être prononcée différemment selon l’émotion ou l’accentuation que l’on souhaite lui donner.
Certains sons sont modifiés par rapport au français. Le "r" français, par exemple, est souvent prononcé d’une manière plus douce ou roulée, et certaines lettres sont omises, comme le "l" de "poulet" qui devient "pwèl".
Le créole privilégie souvent l'économie de langage, ce qui le rend plus direct que le français. Par exemple, il n'y a pas d'accords de genre ou de nombre pour les adjectifs, qui restent invariables. Des mots comme "gro" (gros) et "ti" (petit) peuvent être utilisés pour exprimer une taille ou une intensité sans changer de forme, peu importe le genre ou le nombre avec timoun pour enfants
Le créole guadeloupéen continue d'évoluer et d’intégrer des mots nouveaux, surtout dans des domaines modernes comme la technologie ou la culture populaire.
Par exemple, des mots français ou anglais sont parfois intégrés sans modification ou légèrement adaptés. Les jeunes peuvent dire "fò" pour "fort" (cool), "zòdiak" pour "zodiac", ou "télèfòn" pour "téléphone".
Exemple de phrase en créole guadeloupéen avec traduction
"Mwen kay wè ou dèmè." pour "Je vais te voir demain."
"Ba mwen en tibo" pour "donne moi un petit baiser"
"Mwen aimé ou doudou" pour " je t'aime mon chéri"
Cette phrase utilise les éléments de base de la grammaire créole : "Mwen" (je), "kay" (futur proche), "wè" (voir), et "ou" (toi). Elle montre la simplicité et la fluidité de la langue.
IV. la langue est un marqueur d’identité culturelle et de résistance :
En période coloniale, le créole a souvent été dévalorisé par rapport au français, langue des colons. Cependant, il a continué à être utilisé par les esclaves et les travailleurs de l’île comme moyen de préserver leur culture et d'affirmer leur identité face à l’oppression. Ma grand mère m’a raconté que quand elle était petite elle n’avait pas le droit de parler créole .La langue créole est largement utilisée dans la musique guadeloupéenne comme un des chanteurs les plus connus de la guadeloupe Admiral T qui a chanté avec Diam’s et d’autres grands artistes tels que les Marley, Kalash , il y aussi le gwo ka, un genre musical qui raconte les luttes les douleurs et les espoirs des Guadeloupéens. De même, la littérature guadeloupéenne contemporaine, avec des auteurs comme Maryse Condé (Prix Nobel de littérature 2018) ou Simone Schwarz-Bart, qui utilise le créole pour affirmer la richesse culturelle de l'île. Le créole est souvent transmis de manière orale, de génération en génération. C’est la langue des discussions familiales, des histoires partagées, et des proverbes qui transmettent les valeurs et la sagesse populaire. Le créole est central dans les célébrations, comme le Carnaval, où la langue est présente dans les chansons, les costumes et les danses ( madras, zouk,shatta, gwoka ). Il est aussi très présent dans la cuisine, avec des noms de plats créoles, comme le colombo de poulet ou les accras de morue, le bokit qui témoignent de l'identité guadeloupéenne.
V. Quels sont les enjeux actuels et avenir du créole guadeloupéen ?
En Guadeloupe, le créole n'a pas le statut de langue officielle. Le français est la langue enseignée à l'école et utilisée dans les administrations. En conséquence, le créole est souvent relégué aux conversations informelles, ce qui limite son développement et sa transmission. Aujourd’hui, les jeunes sont exposés principalement au français à l’école et dans les médias, et certains ne maîtrisent plus le créole couramment. Cela pose un problème de transmission et peut faire du créole une langue de plus en plus marginalisée.Internet et les réseaux sociaux offrent alors des opportunités pour valoriser le créole, avec des contenus en ligne comme des vidéos humoristiques, des chansons, et des discussions. Les jeunes Guadeloupéens utilisent parfois le créole sur les réseaux sociaux, ce qui contribue à sa visibilité, mais aussi à son adaptation aux nouveaux supports. Des initiatives éducatives et culturelles se développent pour préserver la langue tels que des associations qui.promeuvent l'enseignement du créole à l’école et créent des dictionnaires bilingues pour les enfants et les adultes. On voit aussi la création de médias en créole, comme des radios locales, qui contribuent à maintenir la langue vivante.
Conclusion:
Le créole guadeloupéen incarne l’identité et la résilience culturelle de la Guadeloupe, rappelant une histoire de lutte et de métissage. Bien plus qu'un simple outil de communication, c’est une langue de cœur qui porte les valeurs, les histoires, et les traditions du peuple guadeloupéen. Néanmoins, la préservation de cette langue unique face aux influences extérieures et à la domination du français reste un défi important. Les efforts de transmission aux jeunes générations, ainsi que les initiatives pour intégrer le créole dans les espaces officiels, sont essentiels pour assurer l’avenir du créole guadeloupéen et permettre aux Guadeloupéens de continuer à exprimer pleinement leur identité culturelle.
Sources :
-langues et grammaires du monde, article créole guadeloupéen
-l’aménagement linguistique dans le monde-Guadeloupe
-Mélissa Madomel & Mandyne Alemant